Interdiction du port du voile intégral : la deuxième religion de France épinglée

Le 13 juillet dernier, le parlement s’est prononcé, à une écrasante majorité, contre le port du voile intégral. Examiné par le Sénat début septembre, le texte a été définitivement adopté.

Le premier article de la loi interdit de dissimuler son visage dans l’espace publique et le deuxième crée un nouveau délit en punissant d’une forte amende toute personne qui imposerait à une femme mineure ou majeure le port du Niqab (articles de France Info).

On peut se demander si cette loi n’est pas une loi anti-musulmane à visée purement électorale, où l’esprit de la laïcité est bien mis à mal. On peut s’inquiéter des effets pernicieux qu’elle aura sur la société française en exacerbant les tensions inter-ethniques.

Une loi « tendance »
La loi contre le voile intégral surfe sur la vague du discours sécuritaire anti-islamiste.
La lutte contre l’ennemi intégriste musulman, c’est dans l’air du temps, on est toujours du « bon côté » quand on fait quelque chose contre des terroristes potentiels. L’exercice législatif devrait prendre ses distances avec ce type d’influences contextuelles.
Evidemment le vote de l’extrême droite est toujours très présent, les régionales l’ont montré. Agiter le spectre de la Burqa fait recette si on veut conserver la main aux élections, il faut être présent dans le discours anti-musulman. Pas étonnant que le seul autre pays européen à faire voter ce type de loi soit les Pays-Bas, pays où les extrémistes ont le vent en poupe.

Les faits justifient-ils cette loi ou bien n’est-elle qu’un élément de discours politique ?
Michèle TRIBALAT, démographe à l’INED, était invitée sur France Culture en juillet dernier (émission « Esprit public » du 25/07/2010). Ayant montré l’absence d’outils statistiques en France permettant d’évaluer les aspects ethniques de la société française (1), elle a exprimé sa méfiance vis-à-vis des chiffres avancés par les Renseignements Généraux sur l’ampleur du port du voile intégral en France. Le phénomène terrifiant qui semble monter en puissance n’est peut-être qu’anecdotique.

La laïcité mise à mal
Cette loi n’a pas été jugée anti-constitutionnelle. Pourtant, la laïcité, élément fondamental de la constitution française, n’est pas respectée. En effet, en légiférant spécifiquement sur le voile intégral, pratique religieuse musulmane, l’Etat renonce à la neutralité vis-à-vis du fait religieux qu’impose le principe de laïcité.
Est-ce que l’Etat se montre aussi vigilant envers les autres religions ?
Par exemple, compte-tenu des scandales pédophiles qui nous ont été révélés dans la presse il n’y a pas si longtemps, n’est-il pas urgent de protéger les enfants des prêtres catholiques ? On pourrait interdire qu’un enfant reste seul avec un prêtre.
Pour protéger les victimes de pression, on aurait simplement pu mettre en avant les lois sur les sectes. Cela aurait permis d’éviter l’écueil d’un amalgame entre religion musulmane, deuxième religion de France, et islam manipulé (2), ce dernier devant être farouchement combattu.

Fonctionnement post-colonial
Ne doit-on pas voir à travers cette lutte déclarée contre la religion musulmane un reliquat de l’idéologie coloniale ?
Aux temps coloniaux, l’ennemi héréditaire était l’Arabe musulman et la mission civilisatrice coloniale de la République française devait passer par l’éradication de l’Islam, comme l’illustre bien l’affiche de Desmeur (ci-dessus) pour l’exposition coloniale de 1931 (3) où, symboliquement, le drapeau de la République est planté sur le Minaret de l’Islam.

Le respect des religions est un élément majeur de la vie en société démocratique. Une telle prise de position ne peut qu’attiser les tensions entre les Français de tous origines en laissant la porte ouverte aux fantasmes.
Parce qu’elle est montrée du doigt, la religion musulmane est implicitement condamnée dans son ensemble, devenant potentiellement dangereuse au point de nécessiter l’ingérence législative pour garantir l’ordre public.
Au-delà de la religion musulmane, ce sont les Français notamment d’origine maghrébine, pas toujours musulmans, qui seront suspectés d’être des islamistes intégristes. Cela ne va pas encourager les jeunes des cités, déjà stigmatisés, à rester bien tranquilles. « Le vivre ensemble », déjà lointain projet de société, deviendra vite une expression vide de sens.
On pourrait s’attendre, par ailleurs, à ce que cette loi renforce le repli identitaire autour de la religion de ces français qui peuvent se sentir ostracisés. Il est possible qu’on assiste à une recrudescence du port du voile non intégral : Adieu le Niqab, reBonjour le Hidjab !

Quant à la lutte contre l’extrémisme religieux, la loi sur le Niqab apparaît contre-productive. Les musulmans radicaux n’attendent que la stigmatisation de l’Islam pour rallier les mécontentements et les frustrations à leur cause qui est avant tout une quête du pouvoir, où la religion n’est qu’un levier. Tout acharnement autour des pratiques religieuses est bon pour eux.
Enfin, bien que certaines soient des victimes, de nombreuses filles ou de femmes portent le voile intégral par conviction religieuse. Celles qui seront devenues des Hors-La-Loi, trouveront rapidement un autre moyen de rester fidèle à leurs croyances avec la satisfaction de devenir les résistantes d’une lutte qu’elles trouvent légitime.

L’Etat français se doit de défendre les droits de l’Homme sur son territoire mais il doit aussi garantir les libertés individuelles dont la liberté religieuse. Et il semble indispensable que l’Etat français veille à faire sereinement une place dans la société française aux musulmans non sectaires.


Références :
(1) TRIBALAT Michèle, Les Yeux Grands Fermés, Paris, Denoël, 2010.
(2) BOUZAR Dounia et Lylia, La République ou la burqa - Les services publics face à l'islam manipulé, Paris, Albin Michel, 2010
(3) GUIDICELLI Jean-Claude, ADOUTTE Virginie,"Trois couleurs d'un empire", ARTE Production/ RIFF International 2001.




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