Il était un berger qui gardait ses moutons

Il était un berger qui gardait ses moutons. Il avait un troupeau bien fourni de belles brebis. Il y était attaché car il n'avait qu'elles pour vivre. Il en prenait grand soin et les protégeait jalousement.

Un petit écart de l'une d'entre elles hors du troupeau, et il lançait son Patou, ventre à terre, prêt à mordiller les pattes de la brebis récalcitrante pour la remettre dans le rang.
Que des étrangers, randonneurs ou pas, viennent à s'approcher trop près des bêtes, aussi sec, il empoignait son fusil, l'armait et tirait un coup de semonce à l’attention des intrus qui n'avaient d'autre choix que de détaler comme des lapins.

Tout fonctionnait à merveille : les brebis ne pouvaient pas lui échapper, il était leur seul guide. Au moment de la tonte, sans un mot, il les dirigeait par d'habiles palissades vers l'endroit précis qu'il avait choisi pour elles. Parfois, en guise d'affection, il les gratifiait d'une petite tape sur les fesses.

Cependant, certaines nuits, il faisait de terribles cauchemars, rêvant que ses brebis reprenaient le contrôle de leur vie dans un élan fou et sauvage, s'associant pour s'évader de leur estive et organiser une énorme rave party, fourrure teinte en rose, gris, bleu. Elles dansaient comme des folles jusqu'au bout de la nuit, se faisant prendre en levrette par le Grand Méchant Loup ou se transformaient en izard sautillant de rocher en rocher de plus en plus loin de lui.