Marijke van Warmedam au 20 ans du MAC à Marseille
« - …Attendez, je vais allumer le projecteur, me dit la gardienne du musée.
Les images du film 16 mn commencent à défiler. On voit une baignoire au milieu d’une pièce vide arrosée par la pluie.
- C’est tout le temps comme ça !… » commente-t-elle, désabusée.
L’absence d’acteurs, le décor unique, donnent cette impression trompeuse d’immobilité. Trompeuse, car, quand on y prête attention, ce film-installation de Marijke van Warmedam présenté pour les 20 ans du Musée d’Art Contemporain de Marseille est subtil et intense.
Weather Forecast, le bulletin météo entre écho et contrepied
Avec cette oeuvre, l’artiste réinterprète le bulletin météorologique télévisé et nous livre sa propre version plastique et poétique.
L’angle de prise de vue unique, de face, le format 16 mm (en réalité 35 mm converti en 16mm) renvoient au cadre du show télévisé quotidien. Mais tandis qu’à la télé, les états du ciel, les changements de temps sont symbolisés par des icônes placées sur une carte, Marijke van Warmedam va mettre en scène de véritables événements climatiques se déchaînant dans un espace symbolisant la Terre et les océans.
A la télévision, un présentateur-conteur donne vie à la prédiction par sa logorrhée et sa gestuelle emphatiques. Ici, il n’y a personne, seuls les éléments : la pluie, la tempête, le brouillard, le soleil…, héros qu’on attend, ennemis qui menacent, ils sont les véritables personnages du film.
Au flot de paroles du présentateur, Marijke van Warmedam oppose une bande son muette. Tout le lyrisme du show quotidien passe par une mise en scène filmique.
L’artiste utilise, tout d’abord, l’artifice du clap, artifice, car le film n’est pas un plan-séquence mais un montage. Cet accessoire montre que le show météo est un grand spectacle au même titre que le cinéma, construit pour rassembler les foules. Ensuite, bien que l’angle de prise de vue soit constant, les mouvements de caméra sont présents. Travelling avant, mouvement surplombant en Dolly soulignent avec emphase la surface perturbée de l’eau, le parquet humide, la densité du brouillard. Le montage d’un événement climatique à un autre est imperceptible donnant l'impression d’un mouvement perpétuel renforcé par le passage du film en boucle.
Le présentateur-devin laisse ainsi place à une Marijke van Warmedam-chef d’orchestre jouant avec l’eau comme elle l'a fait par le passé dans le film Wake-up.
Dans Weather Forecast, on retrouve les qualités plastiques et l’univers épuré et coloré de Marijke van Warmedam (Galerie Van Gelder).
La baignoire, objet blanc, brillant, arrondi est posée au milieu d’une pièce carrée aux murs rougeâtres, sur un parquet marron foncé. Les lignes horizontales de la pièce et de la baignoire répondent aux lignes obliques du parquet. Les couleurs chaudes contrastent avec le froid qu’évoquent l’humidité, la glace.
La pièce est éclairée par une lumière du jour de côté surplombante, à la Vermeer, et elle est parcourue à un moment par un carré de lumière, projection des bords d’une fenêtre hors champ. La discussion entre l’ici et l’ailleurs est bien le propos du bulletin météo comme des œuvres du grand peintre hollandais.
Explorateur du temps
Le format 16mn, le grain, le plan flou du clap et l’absence de bande-son donnent au film l’aspect d’un documentaire. Comme si, au-delà de la comparaison avec le bulletin météo, l’artiste souhaitait donner l’impression d’un reportage amateur, réalisé par un explorateur parti à la rencontre de tous ces morceaux de temps. Collectionneur, il aurait capturé tous les états de l’eau : pluie, brouillard, orage, glace, eau bouillonnante et vapeur d’eau. Mais aussi les éclairs, le vent, la course du soleil. Témoin de tous les climats, dans tous les endroits du monde : des glaces antarctiques aux geysers islandais, des brumes anglaises aux pluies tropicales…
Ode à l’eau
Marijke van Warmedam met en scène le mouvement perpétuel de la Terre et de son climat. Elle nous montre un monde soumis à la force des éléments. On pense au Déluge et au réchauffement climatique avec cet énorme grêlon parachuté dans la baignoire, sorte d’iceberg détaché d’une banquise en déliquescence.
Et pour nous qui guettons fébrilement à la météo ces changements de temps qui conditionnent notre quotidien, l’eau apparaît dans cette oeuvre comme une matière vivante force de régénérescence essentielle.
Commentaires
Enregistrer un commentaire