Attentats meurtriers : la proximité de la menace



Dessin Anne Dargenton
Pourquoi comme des milliers des gens ai-je tant été affectée par les assassinats de Paris ?

C’est ma propre liberté d'expression qu’on a massacrée. Car, moi aussi, je veux pouvoir m’exprimer librement si j’en ai envie. Avoir cette liberté, c’est se sentir vivant. On l’exerce d’abord au sein de sa famille puis par rapport au groupe pour devenir soi-même. La liberté de parole, c’est savoir qu’il y a des espaces pour sortir du non-dit, des discours dominants ou conventionnels. C’est la possibilité de donner de la voix pour changer le monde peut-être.

Doit-on vivre avec « un policier dans le crane » comme le disait la dessinatrice WillisFromTunis à propos de la dictature de Ben Ali ?
Faut-il s’attendre à des menaces de mort comme Anita Sarkeesian, la blogueuse qui ose critiquer le sexisme des jeux video aux Etats-Unis ?
Faut-il renoncer à aller au bout de sa pensée ou d’une recherche parce qu’elle dérange ?

Si la parole libre est tant combattue c’est parce que l’esprit critique, facteur de changement, s’exerce à travers elle. Il est inquiétant de réaliser qu’aujourd’hui la liberté d'expression n’est pas un acquis mais qu’elle est menacée.

Que dire de la démocratie dont elle est le baromètre ?
On ne peut qu’en constater le déclin. 
Il nous faut admettre qu'elle n’a pas conquis le monde, image d’un pouvoir dominant ou impossible à implanter dans des pays sans culture de la libre pensée.
On a beau se serrer les coudes en Occident, nous faisons désormais figure de petits "villages d’irréductibles gaulois" entourés de fous sanguinaires. Partout des horreurs, des personnes arrachées à leur famille, emprisonnées, torturées, exécutées. Un nouvel ordre violent dont les femmes sont un des cœurs de cible (d'où mes citations féminines).
Mais à l’intérieur de nos frontières françaises ou européennes nous ne sommes pas à l’abri non plus, car nous savons que nous fabriquons des assassins, produits d’une mécanique sociale irréversible.

C’est dans ce monde que je me suis réveillée le 7 janvier dernier, 
l’inquiétude latente, consciente de la proximité de la menace.

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