Collection Jacques FONT à Carcassonne : à la recherche de l'infini
Jusqu’au 6 octobre prochain, le Musée des Beaux Arts de Carcassonne rassemble 82 œuvres d’art contemporain issues de la collection de Jacques FONT, exploitant reconnu de salles de cinéma et féru d'art.
Cette collection privée de premier ordre offerte exceptionnellement au regard du public est à juste titre illustrée par la
citation de Paul Valéry :
« En particulier, ce qui définit ce que nous appelons une Œuvre d’art est le résultat d’une action dont le but fini est de provoquer chez quelqu’un des développements infinis. »
« En particulier, ce qui définit ce que nous appelons une Œuvre d’art est le résultat d’une action dont le but fini est de provoquer chez quelqu’un des développements infinis. »
Ben Vautier, dit "Ben", La Rue est un film (2014) |
De grands noms et des artistes moins connus sont représentés pour cette exposition qui balaye un large spectre des courants de l’art contemporain : art abstrait, figuratif, cinétique, minimaliste que ce soit en peinture, sculpture ou en photographie. Entre recherches plastiques et œuvres engagées, cette collection a ceci de remarquable qu'elle se compose d'œuvres très récentes, livrant aux visiteurs un état de la recherche artistique actuelle.
Renato Nicolodi, avec Catacomb II (2018) compose un tableau uniquement avec des plaques d’acier dont les différentes nuances métalliques rendent la perspective, les ombres et la profondeur. L'acier, matière généralement sculptée, est ici utilisée dans les deux dimensions.
François Morellet dans, Pi lourd n°2 (2011) associe métal et toile.
Mounir Fatmi, Année ZERO des Printemps arabes (2012) - Détail |
Mounir Fatmi avec son oeuvre Année ZERO des Printemps arabes (2012), créé un zéro à partir d’un câble coaxial épinglé sur un panneau de bois blanc montrant le rôle central des réseaux sociaux dans les prises de position politiques actuelles.
Le support est parfois volontairement montré participant à l'oeuvre, comme dans Eureka VIII (2010-2011) où Christian Bonnefoi, peint sur une toile translucide noire.
L’œuvre de Jean Denant, Anarchitecture (2016) est emblématique de cette recherche sur le matériau. Ici, l’artiste utilise une plaque de Placomur qu'il travaille par impacts de marteau. Ce qui pourrait s’apparenter à un tableau tient plus du bas-relief. L’artiste représente (construit) un chantier de construction en déconstruisant un matériau de construction. La plaque est piquetée, grattée dans sa profondeur pour faire apparaître toute sa structure : le papier puis le plâtre et enfin l’isolant en polystyrène. Chaque couche apporte sa propre plasticité à la représentation. L'artiste creuse la matière pour atteindre l’essence des choses.
Autour de la forme et de la couleur
La couleur ne serait rien sans le Noir, vaste champ d'investigation des artistes aujourd'hui.
Le maître du Noir, Pierre Soulages est exposé avec un monochrome, Composition 08.11.2014 (2014) qui donne l’impression qu’il creuse dans un bain de peinture acrylique.
Le maître du Noir, Pierre Soulages est exposé avec un monochrome, Composition 08.11.2014 (2014) qui donne l’impression qu’il creuse dans un bain de peinture acrylique.
David Giancatarina photographie la pénombre. Il est le spécialiste des natures mortes où la lumière semble absente et où les objets apparaissent subtilement. Est présentée sa Matière noire MN002 (2017), une Vanité entre crâne et bouteilles de Coca-Cola.
Quant à Kepa Garraza, il s'intéresse aux figures de pouvoir. Il livre un portrait monumental au pastel noir sur papier du dictateur nord-coréen Kim Jong, Power / Kim Jong II (2016).
André Marfaing, l'artiste toulousain, excelle dans la discussion entre le blanc et le noir dans un geste calligraphique avec cette Composition 1971 (1971).
Minimalisme et séries
Pour d'autres artistes, la recherche artistique passe par le minimaliste et les séries.
Pour d'autres artistes, la recherche artistique passe par le minimaliste et les séries.
Pascal Navarro trace dans Eden Lake, le Pays qui a changé de nom (2015), une succession de lignes qui dessinent un micro relief énigmatique.
Choi Jun-Kun, Sea (2016) crée une fausse oeuvre composite dessinant à l'encre de Chine un trompe-l'oeil minimaliste de pierres sur toile.
On retrouve dans cette exposition (cf. article de mars 2017) les objets organiques ou les signes d'une civilisation perdue de Yann Massayeff avec Air (2017).
Sascha Nordmeyer avec Espace temps 40, (2017) et Espace temps 41 (2017) nous surprend avec un procédé simple mais dont l'effet plastique est indéniable. Il perfore une feuille de papier de séries de pastilles qui jouent le rôle de micro-réflecteurs, orientant la lumière dans différentes directions créant des nuances multiples au milieu de l'uniformité.
Les séries de mains de Matthieu Boucherit dans Contrepoint (2018) nous disent quelque
chose. Ne dit-on pas : "Parler avec les mains" ? Elles sont la trace d'une communication hors-champ, d'une écriture
gestuelle, d'une émotion condensée. L’intensité des gestes, ici ceux de politiciens, n'échappe à personne. La main apparaît comme la Pars pro toto de situations ou d’actions, un peu de l'énergie d'une aventure humaine.
Gregory Derenne avec son oeuvre Berlin #1, (2017) interroge la figuration avec une peinture à la réalité fragmentée.
L'artiste peint sur carton noir un bâtiment Berlinois à la façade de verre ; un bâtiment hors-champ, en face, lui-même vitré se reflète dans celui-ci. Ainsi se combinent l'image du bâtiment avec son propre vitrage, ses fenêtres ouvertes ou fermées et le reflet de l'autre immeuble. Le tout créé une mosaïque de petits rectangles tous différents. Et, bien que le réalisme de la représentation soit évident, il est difficile de savoir quoi est quoi. Est-ce
le reflet de l’autre bâtiment sur le bâtiment ou le bâtiment lui-même? Est-ce le ciel qui se reflète ou est-ce que l'autre immeuble est bleu ? Jeux de lumière et de miroir nous perdent. En bas du tableau, un lampadaire semble signifier notre impuissance à éclairer la réalité même quand celle-ci paraît "vraie". Gregory Derenne joue avec le hors-champ, le cadre dans le cadre, questionnant la perception.
Anti-portraits
Dans la dernière salle de l'exposition, une thématique d'anti-portrait apparaît à travers plusieurs photographies.
C'est d'abord une délicieuse enfant dont il ne manque à la pose élaborée que la vue de son visage agrémenté de deux jolis macarons dans Keyhole#6 par Erwin Olaf (2012), génial photographe néerlandais, créateur d'atmosphères mêlant vintage et modernité.
Ensuite, le portrait énigmatique d'un visage à peine visible comme la trace d'un disparu dans Le Mandylion 5 d'Annabel Aoun Blanco (2015).
Enfin, c'est Liu Bolin, artiste chinois caméléon, qui se fond dans le décor.
C'est d'abord une délicieuse enfant dont il ne manque à la pose élaborée que la vue de son visage agrémenté de deux jolis macarons dans Keyhole#6 par Erwin Olaf (2012), génial photographe néerlandais, créateur d'atmosphères mêlant vintage et modernité.
Ensuite, le portrait énigmatique d'un visage à peine visible comme la trace d'un disparu dans Le Mandylion 5 d'Annabel Aoun Blanco (2015).
Enfin, c'est Liu Bolin, artiste chinois caméléon, qui se fond dans le décor.
Annabel Aoun Blanco, Le Mandylion 5 (2015) |
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