Staying alive ou le mâle réinventé

Blog Anne Dargenton
 
Il faut voir ou revoir Staying Alive - ce film qui n'est pas du niveau de Saturday Night Fever (notamment du fait de la faiblesse de sa bande-son mais si on aime John Travolta, comme moi, cela ne compte pas) - parce qu'il montre comment les hommes pouvaient se frayer un chemin au Pays des Femmes fortes en ce début des années 80. Peu de films, à mon sens, interrogent cette montée en puissance féminine qui prendra vite fin avec les années 90.

Rester vivant
Sylvester Stallone est le réalisateur de Staying Alive, sorti en 1983, film avec lequel il poursuit un questionnement sur la virilité. En effet, dans Rocky dont il est le scénariste et interprète, le héros instrospectif, Rocky Balboa, se présente comme un loser,  un fragile fort en muscles, loin de courir après les sex-symbols. Dans la continuité de Saturday Night Fever, Sylvester Stallone explore la figure du masculin dans Staying Alive, l'enjeu étant bien pour le Mâle de rester vivant...

Le film retrace le parcours de Tony, jeune homme d'origine italienne (tout comme Sylvester Stallone) qui tente de percer à Broadway. Il est à Manhattan. Il travaille d'arrache-pied pour devenir danseur professionnel et gagne sa vie en donnant des cours tout en travaillant comme serveur. C'est la fin des années 70, la libération sexuelle est actée. Il n'y a plus d'entrave morale à une sexualité débridée et le mariage n'est plus d'actualité.
Tony, ex-vedette des dancefloors, continue à se comporter en mâle dominant. Il a une petite amie mais ne se prive pas d'aller voir ailleurs, tout en étant très jaloux des velléités de flirt celle-ci (notamment avec le propre frère de Stallone).

Des femmes dominantes
Il croise le chemin d'une danseuse renommée, vedette d'un show. Admiratif de son talent et de sa beauté,  il se lance dans une drague à l'ancienne. Il finit par être intime avec elle, mais, au beau milieu de la nuit, celle-ci le jette comme un kleenex, lui demandant de partir ...
Le réalisateur nous montre que la drague, ce n'est plus pareil. Les filles ne sont plus sensibles à la tchatche, aux blagues pourries, aux approches en mode "je suis le plus fort" auxquelles, auparavant, elles acquiesçaient avec le sourire. Elles vous prennent de haut. La romance est morte. Tu couches avec elles, et puis après, elles passent à autre chose.
Saturday Night Fever c'était achevé avec la poursuite d'une fille très classe à Manhattan. Dans
Staying Alive, on aurait pu penser que cette belle danseuse serait devenue la nouvelle Princesse Charmante du film, mais elle n'en a rien à cirer de Tony, lui préférant sa carrière de star.

Des femmes sexuellement agressives
Dans le bar où il travaille, le héros est abordé par deux clientes, l'une d'elles lui lance, libidineuse : "J'adore comment tu bouges ton cul." Tony est mal à l'aise : d'habitude, c'est lui qui fait ce type de remarque. Les deux femmes lui proposent un plan à trois. Une proposition qui semble l'achever. Il explique que cela ne le branche pas plus que ça de devoir jouer les étalons sans faille (Stallone signifie "étalon" en italien). C'est la nouvelle donne des relations amoureuses : une prédation sexuelle féminine qui laisse les hommes pantois, angoissés d'être choisis uniquement pour leurs performances sexuelles. Une réminiscence de certains mythes de femmes au sexe denté...
Rien à voir avec Saturday Night Fever où Tony arrivait conquérant sur la piste de danse sous les regards des filles médusées par sa démarche mais qui jamais n'auraient osé l'aborder, attendant sagement d'être choisie par lui.

La danseuse, en femme influente, lui permet de passer une audition dans le spectacle où elle tient la vedette. Les rôles sont inversés : les hommes dépendent de la décision d'une femme de pouvoir pour avancer dans leur carrière.
Mais Tony
arrive à évincer le rôle-titre masculin et prend sa place pour partager la tête d'affiche avec la fille.

Les femmes-refuge
Comprenant que son affection n'est pas partagée par la danseuse-vedette, Tony préfère retrouver sa gentille
copine mais, celle-ci, échaudée par ses infidélités, l'envoie paître.
Il n'a pas d'autre choix que de retourner chez la seule femme qui ne le décevra jamais : sa mère. Une belle image de la femme patriarcale, italienne (jouée par la même actrice que dans Saturday Night Fever), un personnage dans la pénombre. C'est la femme qui n'est plus: dévouée, admirative, pour qui vous serez toujours un demi-dieu. Pour elle, les défauts de son fils sont aussi ses qualités.  Elle refuse qu'il s'autoflagelle et renie son panache masculin. Elle valide l'arrogance, la frime, le culot.

Tony fait amende honorable pour revenir auprès de sa copine. Preuve que les hommes peuvent se montrer sympa avec une fille rassurante dont ils pourront attendre une relation exclusive. Une fille au succès modeste qui ne risquera pas de leur faire de l'ombre, l'inégalité de statut étant garante de la paix du couple.

La lutte pour le pouvoir n'aura pas lieu
La première du spectacle arrive. La tension est à son comble. Dans le feu de l'action, Tony embrasse sa partenaire, superbe créature moulée de rouge, qui le griffe en retour... Il s'excuse, mais elle se montre cruelle, alors il l'éjecte du devant de la scène pour occuper tout l'espace et grimper seul sur le podium...
 
Grand seigneur quand elle se retrouve à terre, il l'invite à le rejoindre en haut de son piédestal mais il va falloir qu'elle mérite sa générosité : elle est obligée de faire un bond prodigieux pour le rejoindre... Le spectacle est un succès. Tony peut alors à nouveau frimer.

Staying Alive semble ainsi nous raconter un juste retour des choses : la nécessaire revanche des hommes dans un monde chamboulé
par des femmes devenues mauvaises. Le personnage principal rétablit l'ordre masculin en remettant les femmes à leur place d'inférieur.

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