Gregoire Alexandre : l'image réinventée

Le photographe Grégoire Alexandre, lauréat du Prix HSBC 2009 , était exposé du 27 novembre 2009 au 28 février 2010 au MAC à Marseille, l'occasion de découvrir un artiste talentueux.

Le sublime époustouflant
Grégoire Alexandre est familier du monde de la mode et de la publicité (campagnes pour Nike et Christian Lacroix). Il a développé au cours de sa carrière un sens précis de la structure, des lignes, des volumes, de la couleur, de la matière qu'il structure via des associations d’idées ludiques et poétiques qui rappellent parfois le travail d’un Jean-Christophe Averty à la télévision.

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Sa créativité est impressionnante, ses trouvailles sont audacieuses, souvent autour de quelques éléments photographiques, une démarche qui le rapproche de l’américaine Annie Leibovitz. Spécialiste du travail en studio, il se confronte aussi aux extérieurs et aux artefacts de la nature. Parmi les photos de Grégoire Alexandre exposées à Marseille, les photos de mode "détournées" étaient particulièrement intéressantes parce qu’elles montraient le travail de déconstruction de l’image de cet artiste.  

La fabrique de l'image
Une image, c’est un sujet, un décor et des moyens de production. Chacun étant distribué dans le champ ou hors-champ, entre visible et invisible.
Dans le champ, on a le sujet, le décor. En matière de mode, le sujet, c’est la fringue, la paire de chaussures, le bijou, avec son support, le mannequin.
Le résultat final doit produire l’illusion d'une beauté sublime.
Hors champ, c’est l’envers du décor, les coulisses, les ficelles, les subterfuges : tout le dispositif de fabrication qui ne doit pas apparaître sur la photo (sauf pour jouer parfois le rôle de décor dans le décor) afin de ne pas dévoiler le caractère non-naturel de cette beauté superlative.

Décors, artifices, moyens de production ont vocation à s’effacer devant le sujet. Ils ne sont que des faire-valoir, les supporting characters du sujet qui est chargé de capturer le regard du spectateur et qui est donc placé au sommet de la hiérarchie des éléments de l’image, tel un acrobate perché sur d’autres acrobates.


Changement de régime photographique
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C’est toute cette hiérarchie fonctionnelle de l’image que Grégoire Alexandre met sans dessus dessous. Face à ses photos, on assiste à un changement de régime photographique : tout ce qui est basé habituellement à la périphérie de l'image devient potentiellement son centre, tous les éléments de l'image étant mis au même niveau. Non seulement le voile est levé sur la construction photographique mais encore il happe le sujet, prend sa place en l’évacuant parfois.

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Par analogie, on peut comparer ce bouleversement des éléments de l’image aux travaux d'écriture d’un Appollinaire ou des Surréalistes où les mots étaient détournés de leur fonction de véhicule de sens pour en exploiter les possibilités graphiques.

ELLE UK
Ainsi, les moyens de production photographique (pieds, supports, fonds colorés) sont apparents. L’éclairage et son support alambiqué sont montrés et volent la vedette à la paire de chaussures reléguée dans un coin de l’image. Le parapluie d’éclairage devient un chapeau haute-couture. Le projecteur se transforme en robe. Le décor tombé sur le mannequin, le coiffe tel un chapeau extravagant.

Hommage au cubisme et au constructivisme
FIAMH Hyères
L’impression esthétique se passe finalement de l’objet de mode. On peut y voir la preuve de son inutilité ou un goût de l'artiste pour la déconstruction et la simplification à l’instar des cubistes, des constructivistes ou des futuristes, décomposant et réduisant l’image à l’essentiel : les lignes, les formes, la structure, la lumière. On reconnait l'influence de Malévitch ou de Fernand Léger.

Ce bouleversement fonctionnel de l'image fait cohabiter l’utilitaire et le « must have », le brut et le sophistiqué, le rugueux et le soyeux, le dispositif temporaire et la beauté intemporelle, placés au même niveau de potentialité esthétique.
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Dans le domaine du bâtiment, certaines parties en béton sont coulées à l’aide des pièces en bois brut, ces objets utilitaires bruts éphémères dont il ne restera qu'une trace dans l’œuvre architecturale sont appelés des mannequins.

C'est par cette approche analytique et graphique de l'image, véritable marque de fabrique, que Grégoire Alexandre se taille un boulevard créatif.

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