Printemps de Toulouse 2010 : Humain, trop humain

Le Printemps de Toulouse 2010 a fermé ses portes en octobre dernier. Le thème était la performance et le théâtre : une forme pour toute action.
Les œuvres exposées un peu partout dans Toulouse comme à l’habitude, étaient placées sous le signe de l’humain, du sensible et des émotions. L’implication du spectateur était recherchée, voire nécessaire.

Art Chaud
Cette édition 2010 a montré une évolution de l’art contemporain qui rompt avec la froideur et la distance communément admise.
L’art conceptuel a laissé place à un art sensible. Le corps, les histoires individuelles se sont substituées à l’abstraction. L’humour est devenu un élément majeur d’une création affranchie de tout intellectualisme qui emprunte largement à la culture populaire. Loin du dialogue de sourds d’autrefois, la communication entre l’œuvre et le spectateur se veut directe. Le visiteur est associé au processus créatif, son corps constituant souvent la « matière première » de l’œuvre.
Car l’humain est au centre des thématiques. Exit les discours sur le matérialisme de la société post-industrielle ou l’impact des nouvelles technologies. Echappée de « l’Art pour l’Art », l’œuvre doit parler des gens ou de l’humanité en général.

Art Show
Les œuvres exposées empruntaient à l’univers du théâtre, du film ou du dessin animé. Ces architectures, décors de carton pâte, dessinaient des mondes fantasmagoriques ou intimes où l’artiste s’invitait, entre présence et absence, via les vidéos de ses performances.
Libre de se promener dans ces espaces, le rôle du visiteur n’est pas toujours évident. Habitué à la réserve imposée des musées traditionnels où les œuvres nous font face, on hésite un peu au milieu de ces installations. On se méfie : « Est-ce que je peux caresser cet énorme madrier de cuir rose ? Puis-je m’asseoir sur ce gros pouf « Origine du monde » à frange pubienne ? » Un entre-deux est laissé au spectateur qui doit analyser son rapport à l’œuvre et l’expérimenter, en marge des attractions clés en main et canalisées des Disneyland Paris et autres Futuroscope.

Les œuvres ci-dessous m’ont semblé marquantes et représentatives des tendances de cette dernière édition du Printemps de septembre.

Jean-Baptiste Bruant et Maria Spangaro, Luci Loci Lan Relief petales : « Détendez-vous »

Un grand champ de sofas vermeils et arrondis en forme de pétales de rose était installé au centre d’une des salles du musée des Abattoirs. Seules sources lumineuses, les images vidéos de différentes tailles projetées en alternance sur trois des murs et sur un écran télé au sol.
La perception de l’œuvre et la révélation de son potentiel dépendaient de la performance du spectateur.
Car, en effet, il fallait oser s’approprier ces accueillants canapés moelleux et s’abandonner à l’agréable détente qu’ils procuraient. Relaxés et disponibles physiquement et mentalement, nous pouvions alors nous imprégner pleinement de l’ambiance aquatique de cette installation, un peu comme si nous nous retrouvions dans un hammam, bercés par les bruits de gouttes d’eau, les murmures, les rires étouffés, les images de baignade et de corps humides.

L’air de la Passion triste de Arnaud Labelle-Rojoux : la trace de la disparition

Arnaud Labelle-Rojoux proposait aux Abattoirs une belle œuvre mélancolique, naviguant entre différents états mentaux : souvenirs, désir, sentiments, sensations, réflexions, humour...
La salle était agencée comme un boudoir, haut lieu féminin. Un espace intime dans lequel on se sentait un peu voyeur. Dans ce lieu, étaient rassemblés divers objets. Des reliques féminines (une robe suspendue moulée sur un corps invisible, une perruque, des foulards de velours moiré), des objets (un crane, de vieux jouets,…) Et sur les murs, une collection de photos anciennes et récentes en noir et blanc, mais aussi des textes colorés. Plusieurs vidéos étaient diffusées sur un mur et sur des téléviseurs.
Le féminin était au cœur de cette œuvre où tout parlait de l’absence, de ce qui n’est plus et de la disparition.
La femme providentielle qui n’arrivera plus (la séquence montée en boucle de l’annonce de l’arrivée de Lola Montes), la femme bien réelle qui est partie (le grand portrait en noir et blanc d’une femme actuelle), la nostalgie du rapport à la mère et de l’état de grâce enfantin (l’énorme mamelle fleurie, la photo ancienne d’un enfant sur les genoux de sa mère, les vieux jouets usés), et puis les photos de famille des années 40 évoquant la jeunesse disparue, mêlées à celles de gisants et de masques mortuaires.
Il ne reste plus là que les traces d’un bonheur enfoui, évanoui ou mort.
Mais la mélancolie se teinte de second degré, via des réflexions amusantes, du style : « Heureux celui qui se noie dans le lac des cygnes en pleurant. »; via une série de portraits décalés ou encore l’interprétation par l’artiste à la guitare d’une mélopée larmoyante.

Measuring the Universe de Roman Ondak : la constellation humaine

Dans cette œuvre collective et temporaire, les visiteurs étaient invités à être toisés, leur prénom étant inscrit en haut de leur tête sur un mur de la salle.
Il en résultait un bel effet plastique et symbolique : une constellation d’humains virtuels. Placé au cœur d’une l’œuvre qu’il signait et qui conservait la trace de son passage, chaque visiteur devenait une « star ».


Le cabinet d’hypnose de Joris Lacoste : la capture de l’abandon

Dans un espace drapé de noir, étaient juxtaposés des portraits vidéos. Il s'agissait des films des séances d’hypnose réalisées chaque jour par des performers volontaires. Etait diffusé en voix off le récit qu'ils faisaient de leur expérience.
Face à ses écrans-portraits, nous nous retrouvions comme dans un confessionnal : nous devions tendre l'oreille pour entendre le récit murmuré de leur moment d'absence. Accéder à cette part intime de leur psychisme était émouvant, notamment ce moment particulier où ils lâchaient prise s’abandonnant à la suggestion. Les visiteurs à nouveau matière de l'œuvre, livraient non seulement la trace de leur corps mais aussi celle de leur esprit basculant dans l’inconscient.

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